« Un cadre génial, un jury exceptionnel, des candidats hors normes que je connais bien. C’est un plaisir et une fierté de savoir que j’avais ma place face à ces élèves talentueux que je redoute aussi », explique Blanche Hym, médaillée d’or de cette 11e édition du concours d’éloquence Charles Piketty 2025.
Sur le thème de la justice
Ce concours ne célèbre pas seulement l’éloquence. Comme le rappelait Alexandrine Lionet, chef d’établissement coordonnateur de Saint-Jean de Passy, « il célèbre une vertu cardinale, une quête universelle, conformément à notre thématique annuelle, celle de la justice ». En début d’après-midi, tous les finalistes piochaient deux sujets au choix sur ce thème et leur ordre de passage. Un moment de stress qui passe vite pour se concentrer pendant les 5 heures suivantes sur le sujet lui-même : « Que sont les empires sans la Justice, sinon de grandes réunions de brigands ? » de Saint-Augustin ou « Commettre l’injustice est pire que la subir » de Platon ou encore « Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes » de Camus. Blanche choisit de défendre une phrase d’Alexandre Dumas : « J’ai été le substitut du Ciel pour récompenser les bons, maintenant le Dieu de vengeance me cède son pouvoir pour punir les méchants ». Tout un programme !
« Vous êtes finalistes, vous avez déjà gagné ! »
Le soir en ouverture, Francis Szpiner, sénateur de Paris, rappelle aux candidats que « parler, c’est prendre une responsabilité », soulignant que l’éloquence consiste à « convaincre en s’adressant à la raison, au sentiment pour dire le vrai ».
Madame Lionet à son tour replace les défis de ce concours : « C’est une invitation à penser plus haut, à parler avec le cœur autant qu’avec la raison. À plaider, non pour un prix, mais pour une idée du monde, pour une idée de l’homme ». Aussi, « quel plus beau thème pour réunir ceux qui aiment penser, argumenter, défendre, porter la voix des autres ? La justice perçue comme un idéal, mais c’est aussi un combat, une construction, un équilibre fragile que seule la parole droite, la parole libre peut prétendre tenir debout ». Ce soir, « c’est à vous, jeunes orateurs, que revient cette noble tâche : dire la justice, en explorer les visages, les failles, les vertiges… »
Quand l’acteur Maxime d’Aboville qui préside cette édition du concours d’éloquence prend à son tour la parole, il exhorte les finalistes : « N’ayez pas peur ! Ce que je dirai au fond, c’est n’oubliez pas que ce n’est qu’un sport. Soyez le plus sincère possible, vous êtes finalistes, vous avez déjà gagné ». Il cite Jean d’Ormesson qui lui avait dit : « L’important, c’est de s’en foutre » et il ajoute : « Ne vous regardez pas, ne vous jugez pas. Amusez-vous ce soir sans vous prendre au sérieux » avant de conclure : « Vive la Justice quand elle n’est pas trop sûre d’elle-même et que ceux qui la servent gardent le sens de la mesure ». Et enfin, « comme on dit dans ma corporation : merde ! ».
Une histoire d’amitié
Les élèves se succèdent au pupitre. C’est la 3e participation d’Augustin de Charette au Concours d’éloquence. Une participation couronnée de succès puisqu’il termine médaillé d’argent : « Je suis toujours très impressionné par le niveau avec des prestations très différentes : des métaphores, des analyses plus philosophiques… C’est une superbe expérience d’écouter ses camarades, autant que d’avoir l’opportunité de parler et d’être écouté ». Comme Blanche le souligne : « Le concours d’éloquence est une histoire d’amitié entre les candidats. On a des goûts communs : un amour des mots, de la prise de parole, de la langue française ». Elle ajoute : « Je n’aurais pas su traiter certains sujets de mes camarades, je trouve ça beau : chacun trouve sa place et délivre quelque chose de toujours très personnel ». Stanislas Tampé, qui lui décrochera la médaille d’argent avec un discours qu’il conçoit sur « une position extrême » pour « faire rire », ajoute : « C’est super d’être avec des amis, de s’aider dans la rédaction de nos discours. Il n’y a pas entre nous de compétition malsaine ». Et quand il s’apprête à monter sur la scène : « Le trac d’avant le discours est magique. Le stress se transforme en force pour vivre son texte ».
C’était la première participation d’Oriane qui estime que le concours l’a fait grandir. Elle s’émerveille : « On s’étonne soi-même. Les sujets sollicitent notre créativité. Je n’avais pas pensé à incarner le personnage de la Justice. C’est pourtant ce que j’ai fait ». Au moment de monter au pupitre, elle est impressionnée de voir tous les visages tournés vers elle.
Pour sa deuxième participation, au moment de prendre la parole, Blanche est sereine : « Je suis partie du principe que le discours était écrit et que les dés étaient jetés. Il ne me restait qu’à profiter de ce moment. J’avais par contre beaucoup d’appréhension pour les questions ». De fait, le Président du jury l’interroge vivement : peut-on assimiler les partis pris des personnages avec la pensée de l’auteur ? « Cette question m’intéresse vraiment », ajoute-t-il, « je souhaite avoir votre réponse ».
Une tradition de Saint-Jean
Plusieurs candidats soulignent l’importance de ce concours pour leur avenir. « C’est très formateur pour la vie professionnelle », explique Elena, « c’est une école de dépassement de soi, on acquière une assurance. C’’est aussi formateur que ce qu’on apprend en classe ». Juliette, qui a choisi un angle particulier pour son intervention, est reconnaissante de ce temps qu’on lui laisse : « C’est un sport. Ça m’aide à me construire ».
La tradition d’éloquence de Saint-Jean de Passy ne s’arrête pas à ce concours. Tout au long de l’année, un club débat leur permet de s’affronter lors de mémorables joutes oratoires. En effet, comme le rappelait Alexandrine Lionet le 29 avril dernier : le concours d’éloquence « s’inscrit ainsi pleinement dans notre projet éducatif qui entend promouvoir ; encourager la diffusion de l’expression orale, déployer l’art de la rhétorique, favoriser la curiosité intellectuelle et nourrir l’esprit des élèves par les mots. Une parole authentique ancrée dans le réel et dans l’humain ». Elle ajoute : « L’art des mots porte cette dimension constitutive de notre humanité et nous permet d’entretenir une relation esthétique avec le monde. Les poètes, les grands orateurs aident l’humanité à remonter vers le Sacré ».
Le 16 mai prochain, Stanislas Tampé représentera Saint-Jean de Passy à l’occasion d’un concours d’éloquence inter-écoles qui verra s’affronter les champions de 5 établissements parisiens. Cette année, il aura lieu dans nos murs. Mais plusieurs autres concours sont proposés aux élèves. Pour Blanche, le concours d’éloquence est « la quintessence de ce que Saint-Jean peut offrir à ses élèves : l’écoute du jury et la qualité de son écoute, les questions des invités, la bienveillance et l’exigence. Chaque candidat donne le meilleur de lui-même ».