La continuité d’exigence et de recherche d’excellence tout au long du parcours scolaire est le secret d’une formation intellectuelle rigoureuse. Les premiers gestes pédagogiques mis en place par les « maitresses » de l’école primaire construisent peu à peu les habitus de tenue, de mémoire, de langage, d’écriture, de calcul et de raisonnement, de racines historiques et de repères géographiques. Dans une grande institution il est aisé de constater que le semeur n’est pas le moissonneur.
La culture que nous cherchons à déployer dans la formation intellectuelle de nos élèves passe par une attention précise dans les jeunes années pour donner les plis du sens de l’effort dans les apprentissages et l’usage des outils du raisonnement, des convictions et plus tard de l’action responsable. Comme toujours c’est la finalité qui dirige et non les moyens. Quelle fin poursuit-on dans notre projet éducatif ? Qu’est-ce qu’une scolarité réussie ? Il nous paraît difficile d’y répondre de manière universelle. C’est davantage en s’interrogeant sur ce qu’est « une vie réussie » que l’on pourra comprendre le sens de nos exigences et la nature de l’excellence que nous poursuivons. C’est ainsi que l’on offrira dans l’éducation familiale et scolaire de nos enfants les couches successives formant le terreau de leur culture. Pour être profond et disposer à un enracinement solide, ce terreau doit être composé des sillons qui forment une conscience : la quête du vrai, du bon et du beau.
Pour comprendre cette finalité de l’éducation, c’est dans un texte conciliaire majeur, intitulé Gravissimum educationis, qu’on peut lire que « Tous les hommes de n’importe quelle race, âge ou condition, possèdent, en tant qu’ils jouissent de la dignité de personne, un droit inaliénable à une éducation qui réponde à leur vocation propre, soit conforme à leur tempérament, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions nationales, en même temps qu’ouverte aux échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l’unité véritable et la paix dans le monde. Le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l’homme est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte. » La fin la plus haute de la personne humaine ne pourra jamais être traduite sous la forme d’un chiffre, d’un résultat, d’une intégration à HEC, ni en termes de pouvoir, de richesse ou d’honneurs reçus. La fin la plus haute est celle qui pourra ordonner tous les autres objectifs intermédiaires de la vie. La fin la plus haute est celle qui ne peut pas être considérée comme un moyen, c’est celle qui traversera tous les grands enjeux d’une vie et qui deviendra une question pressante au terme du pèlerinage terrestre. C’est la question que pose le jeune homme riche de l’évangile : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » (Évangile de saint Marc X, 17).
C’est ainsi que se dévoile le chemin de la fin la plus haute pour nous éducateurs chrétiens, que nous soyons parents, professeurs, surveillants, cadres éducatifs, prêtres, catéchistes, ou tout simplement adultes présents dans la vie d’un enfant.
Alors « Labor et dilectio », certes, mais « Labor et dilectio pro caritate », c’est à dire au service des autres, et « Labor et dilectio sic effusio animi in laetitia », pour un bonheur plus grand. La devise de Saint-Jean doit être remise en perspective pour être comprise comme un chemin de vie et non pas seulement comme la méthode d’autosuggestion d’Émile Coué. L’enjeu est alors bien pour nous de prendre notre part à la construction d’une vie toute entière qui a pour fin terrestre le bonheur et pour bonheur ultime la vie éternelle.